À l’université de Maroua, dans l’extrême-nord du Cameroun, un prêtre-étudiant a défendu un mémoire sur la critique de la démocratie libérale selon la philosophe française Myriam Revault d’Allonnes. Entre réflexion théorique et réalité quotidienne, sa recherche interroge une question brûlante : que vaut la démocratie lorsque le peuple peine à vivre dignement au quotidien ?
Université de Maroua en joie!
Sous le soleil ardent de Maroua, le campus de l’université s’anime au rythme des soutenances de fin d’année. Dans la salle du collège de l’Espoir, l’atmosphère est studieuse mais empreinte de fraternité et du stress du soutenant. Ici, les enseignants sont proches des étudiants, et les discussions dépassent souvent les cadres académiques pour toucher le quotidien. C’est dans ce contexte humain et exigeant qu’un prêtre-étudiant a choisi de consacrer son travail scientifique à un thème audacieux : la critique de la démocratie libérale chez Myriam Revault d’Allonnes.
Un sujet dense, à la croisée de la philosophie politique et des réalités africaines surtout camerounaises. « J’ai voulu comprendre ce qui fonde encore la démocratie aujourd’hui, et pourquoi elle semble si instable », explique-t-il calmement, en ajustant son col clérical.
Son analyse s’appuie sur la pensée de Revault d’Allonnes, qui voit dans la démocratie moderne une structure traversée par l’incertitude, le conflit et la désincorporation. Autrement dit, une difficulté à définir clairement ce qu’est “le peuple”.
Pour une démocratie du “déjà-là” et du “pas encore” à l’université de Maroua
Pour la philosophe, rappelle l’étudiant, la démocratie ne se renouvelle pas d’elle-même :« Elle vit dans le jeu du déjà-là et du pas encore. Le déjà-là, ce sont les principes hérités de la modernité ; le pas encore, c’est la promesse d’un système toujours en construction. » Une lecture qui trouve un écho particulier en Afrique surtout au Cameroun, où la démocratie se heurte à des réalités socio-économiques profondes. Le sociologue Jean-Marc Ela parlait déjà d’une dyade centrale : développement et population.
C’est au cœur de cette tension, entre croissance économique et inclusion sociale, que se joue le sort du vivre-ensemble africain précisément camerounais.
Sur le terrain, la démocratie a faim dans le contexte camerounais
Au-delà des concepts, la réalité saute aux yeux.
À Maroua, comme dans beaucoup d’universités du Cameroun, les étudiants affrontent le manque de moyens, les difficultés de logement et la peur du chômage après le diplôme.
« Le problème du pain quotidien, des pensions et du travail après la formation, voilà la démocratie réelle que vivent mes camarades », témoigne le jeune prêtre. Dans ces conditions, la démocratie libérale semble déconnectée du vécu. Elle ne peut plus se penser sans la santé économique ni sans une gouvernance axée sur la croissance sociale.
Le constat est clair : sans développement inclusif, la liberté politique reste une promesse inachevée.
Un “système rustique” pour une démocratie enracinée au Cameroun
Face à cette impasse, l’étudiant propose une piste : un système rustique, fondé sur la décentralisation économique. Son idée: Revaloriser les villages, en les plaçant au cœur d’un modèle où l’agriculture devient le moteur d’un développement local. « Les villages pourraient desservir les villes en produits et en main-d’œuvre, tandis que les villes offriraient des débouchés et des services modernes. Ce lien redonnerait sens à la démocratie en créant plus d’emplois et de solidarité. » Un projet simple en apparence, mais porteur d’une vision : celle d’une démocratie vivante, enracinée et constructive, où le peuple ne se réduit pas à un concept mais devient acteur de son propre destin.
Entre la théorie et le terrain
Entre théorie et terrain, la réflexion menée à Maroua rappelle que la démocratie n’est pas une idée figée.
Elle est un chemin, un équilibre fragile entre principes et réalités, entre idéal et pain quotidien. Dans cette université de l’extrême-nord du Cameroun, les voix de la jeunesse et de la foi se rejoignent pour poser la même question :Et si la démocratie, avant d’être un régime politique, devait d’abord redevenir un projet de société réalistes ?




Père Gilbert VANDI, Omi